Ces moments-ci, avec la pandémie, il nous faut une longue patience.

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Ces moments-ci, avec la pandémie, il nous faut une longue patience.

Oui, une longue patience ! Et pour quel bénéfice ? La réponse est sans doute le secret de chacun. Cela dit, je vous signale tout de même que souvent les poètes et les écrivains ont de ces intuitions exceptionnelles. Il suffit de songer à Marcel Proust et à sa description révélante de la jalousie par exemple.

Mais aujourd’hui je ne vais pas vous parler de Marcel Proust mais d’un vieux poète iranien Farid od-din Attar, auteur du célèbre cantique des oiseaux. Et cette œuvre nous parle du temps de la patience…
Attar – c’est sous cette forme raccourcie que je vais vous en parler, – est un poète mystique iranien qui a vécu fin XIIe début XIIIe. Il nous raconte le voyage de 3000 oiseaux qui sous la direction de la huppe entreprennent la recherche de l’oiseau Simorgh, l’oiseau Simorgh est un oiseau fabuleux de la mythologie perse. Cet oiseau est entouré de mystères : il serait dépositaire des secrets les plus cachés. Sa quête a occupé bien des vies.
En Occident, la quête du Graal et de son mystère remplit la même fonction. Nous y reviendrons une autre fois.
Les oiseaux partent donc à 3000 et ils connaissent beaucoup d’aventures. Certains abandonnent, d’autres sont blessés ou disparaissent. Les épisodes de cette quête rassemblent pas mal d’histoires qui traversent tout le moyen orient. On y croise Salomon, Socrate ou Mahomet. Beaucoup de derviches aussi. On nous raconte des histoires célèbres en orient comme les amours de Leylî et Madjun… Tout un monde très dépaysant pour un lecteur européen. Mais l’essentiel se trouve dans la rencontre avec le Simorgh.
A la fin, les oiseaux ne sont plus que trente. Ils arrivent au château du Simorgh. Ils sont introduits dans une salle qui peut faire penser à un théâtre. Ils sont là impatients. Le rideau de scène se lève. Ils ont du mal à distinguer quoique ce soit dans la pénombre et finalement ils devinent un miroir et… ils se voient dedans. Le Simorgh c’est donc cela ? Une rencontre avec soi-même ? : (citer 272-273 de l’adaptation de Gougaud.)… Ils se découvrent vivants… Notons au passage qu’en langue persane il y a un jeu de mots entre le chiffre 30 Sumorgh et le Simorgh.

Et c’est dans un miroir qu’ils se découvrent vivants. Ce n’est pas le miroir de Narcisse, c’est le miroir destiné à ceux qui ont risqué un très long voyage et donc une longue patience pour découvrir la profondeur de l’être.

Il a donc fallu ce long voyage pour arriver au secret de l’être.

Le miroir qui révèle est une vieille tradition. Dans les odes de Salomon, un recueil de poèmes juifs écrit sans doute entre le 1e et le 2e siècle de notre ère, on trouve cette maxime : l’Ecriture est votre miroir. Regardez-vous en elle !
Dans la foulée, un peu plus tard, St Augustin dira que l’Ecriture renvoie à chacun son image.

Le cantique ou la conférence des oiseaux est une œuvre touffue et fascinante. Deux possibilités pour vous lecteurs : De Attar, La conférence des oiseaux adaptée par Henri Gougaud, collection « Points » au Seuil. Et puis un beau livre : de Attar Le cantique des oiseaux dans la traduction virtuose de Leili Anvar aux éditions Diane de Selliers.

Ils se sont vus vivants dans le miroir… Cette révélation suppose une longue patience… Après tout c’est peut-être ce que nous sommes en train de vivre ? En tout cas, cela vaut la peine